Réflexion sur les métiers de l’enfance
- Vanessa Daven
- 7 avr.
- 4 min de lecture
Chaque parent souhaite le meilleur pour ses enfants. Enfin, j’imagine bien qu’il y a des exceptions, mais la plupart des femmes et des hommes, lorsqu’ils deviennent parents, souhaitent que leurs enfants puissent grandir et s’épanouir. Ils leur apportent les soins nécessaires et les protègent des dangers qui les entourent. Il souhaite un environnement idéal, répondant à leurs besoins d’enfants parfaitement immatures, où leur sécurité affective et physique est garantie.
Selon le rapport statistique 2021[1], la suisse compte environ 2 millions de parents (30% des ménages (couples et familles monoparentales) ont des enfants de moins de 25 ans). 30% des ménages avec des enfants de moins de 13 ans en suisse romande utilisent les structures d’accueil pré ou parascolaires comme moyen de garde principal ou complémentaire. Ça fait un bon paquet de personnes tout ça.
J’en viens à ma réflexion. Si tous ces parents qui utilisent les structures d’accueil souhaitent le meilleur pour leurs enfants, pourquoi les conditions de l’accueil des nos chérubins ne sont pas une priorité politique et sociétale ? Par manque d’information sur les conditions d’accueil ? Malgré le travail de titan de nombreuses associations, syndicats et politiques, le message semble passer inaperçu. La profession d’éducateurtrice de l’enfance souffre en silence !
Ok, admettons ! Alors résumons ici les conditions d’accueil des enfants en Valais (respectivement les conditions de travail du personnel éducatif des crèches) selon les quotas fixés par le canton[2].
En nurserie (4 mois à 18 mois), un·e professionnel·le est seul·e avec 5 bébés. Cinq êtres à part entière, avec leurs besoins qui leur est propre, leur rythme de sommeil, leur rituel de coucher, leur régime alimentaire, leur immaturité cérébrale qui ne leur permet pas de différer leurs besoins fondamentaux (manger, boire, dormir, être changé, être porté, être en lien avec l’adulte, se sentir en sécurité, etc.). Chaque parent a des sensibilités différentes, des exigences et des attentes plus ou moins précises. De manière purement pragmatique, un·e professionnel·le pour 5 bébés ne permet pas de sortir en balade alors que les sorties en extérieures apporte des expériences sensorielles sans surstimuler l’enfant ; elles sont bénéfiques pour le sommeil, le développement sensoriel, moteur et pour le système immunitaire.
Tout cela est peut-être encore un peu abstrait pour vous ? Imaginons une maman qui accouche de jumeaux, de triplets. La société, la famille, les amis, vont mettre en place une organisation pour soutenir la maman dans sa fonction maternelle parce que 2 (respectivement 3) enfants toute seule, c’est chaud !
Pourquoi ça vous semble normal en nurserie ? Vous me direz que les mamans sont novices et qu’en nurserie, nous sommes des professionnel·les formé·es avec une formation tertiaire pour les éducateur·trice de l’enfance (EDE), ou secondaire pour les assistant·e socio-éducatif (ASE). Alors oui, on gère, et vos enfants sont accueillis avec bienveillance et toute la volonté de répondre aux besoins de chaque enfant. Malheureusement, nous ne sommes fournit qu’avec une paire de bras.
En crèche (18 mois à 4ans), toujours selon les quotas du canton, un·e professionnel·le est seul·e avec 6 à 8 enfants selon la tranche d’âge. En UAPE (4 ans à 12 ans), c’est même un·e professionnel·le pour 12 enfants !
Notre travail avec ces 6-8 enfants n’est pas seulement de les regarder jouer et de faire en sorte qu’ils ne se fassent pas du mal pour les rendre plus ou moins entiers à leur parent.
En tant que qu’EDE, notre rôle est d’imaginer, de concevoir et d’organiser des activités, des situations de vie au travers desquelles l’enfant va développer son autonomie, sa motricité fine et globale, son langage et ses compétences sociales mais aussi « observer et documenter l’évolution et les apprentissages de l’enfant, élaborer et mettre en pratique un concept pédagogique, développer une pratique réflexive sur son rôle et sa fonction, gérer le travail en équipe, collaborer avec les familles et accompagner la parentalité, coopérer et collaborer avec les réseaux »[3].
Sans compter sur le fait que dans ce groupe de 6 ou 8, on y trouve des enfants à besoins particuliers qui nécessitent une attention constante, des enfants qui souffrent de fortes allergies ou d’intolérances alimentaires, des enfants avec un régime alimentaire particulier et tous les autres enfants sans difficultés majeures qui ont besoin et méritent tout autant l’attention de l’adulte pour s’épanouir et se développer.
Dans un monde idéal, l’EDE est capable d’assumer les multiples facettes de son métier, en respectant le projet pédagogique de la structure, les exigences des parents et l’individualité de chaque enfant et tout ça… avec le sourire !
Dans la réalité, les EDE s’épuisent. La carrière d’une EDE est d’en moyenne 8 ans ! Les raisons ? Les quotas sont trop élevés et ne sont pas compatibles avec un accueil de qualité, ce qui amène les professionnel·les à une perte de valeur et de sens dans leur mission. Il n’y a que rarement du temps compté hors de la présence des enfants pour concevoir, et organiser les activités, pour imaginer et aménager les espaces, préparer les entretiens avec les familles. Combien de professionnels de l’enfance travail chez eux gracieusement ? La fonction n’est pas valorisée par la société, ni même par nos employeurs (pour la plupart des communes), avec des salaires honteusement bas qui ne permettent pas une autonomie financière. La branche ne possède pas de CCT, qui nous garantirait des conditions de travail et d’accueil correctes, malgré le travail de titan des syndicats et des associations professionnelles.
La branche peine à recruter pour toutes ces raisons-là. Que deviendrait votre situation professionnelle si la structure qui accueille vos enfants doit fermer par manque de professionnelles ?
Les structures relèvent de l’utilité publique et doivent être une priorité politique ! A quand une réelle prise de conscience !

[1] « les familles en Suisse » https://skos.ch/fileadmin/user_upload/skos_main/public/pdf/grundlagen_und_positionen/themen/Familie/2021_OFS_familles_en_CH_rapport_statistique.pdf
[2] https://www.vs.ch/documents/34243/28244429/Directives+pour+l%27accueil+%C3%A0+la+journ%C3%A9e+des+enfants+de+la+naissance+jusqu%27%C3%A0+la+fin+de+la+scolarit%C3%A9+primaire+-+01.2024.pdf/296b11ca-1d2b-a0b9-c232-351ecf71bef9?t=1704201580253#:~:text=%C3%82ge%20%3A%2018%20mois%20%C3%A0%206,ans%20%C3%A0%206%20ans%20%3A%201
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